Ecoutez bien ces paroles prémonitoires qui datent de 1977....
Jacques Bertin
Dans un bureau conditionné, peut être, il y aura eu
Une défaillance dans le calcul du compte des denrées
Ou une maladie balancée dans la chaîne alimentaire
Par un comptable sans pouvoir
Il suffira d'une avarie presque minime pour que se casse
Une extrêmement flexible tige ou un miroir
Il suffira d'un signe dans le ciel, un oiseau immobile
Ou trois fois rien de différent dans l'intime de l'air
Ce sera vers midi et se fera un grand silence
Et tout de suite on entendra un cri de femme long
Comme sorti d'une voiture accidentée dans un décors de pluie
On vous aura annoncé votre mort à la télévision
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"J' ai pas besoin de vous" pour ranger mes vêtements,
Partez vous m'encombrez dit la Vieille en Sautant,
Pieds joins sur sa valise on aurait dit Popeye,
Elle avait encore la souplesse des abeilles.
Et d'un pas décidé vers la Gare Saint Lazare,
Tandis qu'on f'sait semblant de pleurer son départ,
Elle s'en allait gaiement son bagage a là main,
Avec 2 ou 3 pauses pour se tenir les reins.
P. FONT 1940 - 2018
Nous arriverons à temps. Nous regarderons la route droite, face à l’improbable éternité. Nous aurons sur la nuque le mufle d’un fauve qui s’essouffle. Nous aurons appris l’alphabet du silence et la rhétorique des solitudes et dans nos chaussures trouées de fatigue, nous continuerons d’avancer dans un paysage partagé et de plus en plus blanc. Au fond tout était vraiment plus léger que nos premières nuits, plus doux que les caresses attendues de nos mères occupées à d’autres amours. Nous ne reviendrons jamais parce que nous étions à la fois le départ et l’arrivée dans les vertèbres de notre vie s'enfuyant dans les plis du temps comme le papier froissé de nos mauvais poèmes.
Bruno Ruiz, 2017
https://www.youtube.com/watch?v=GUzgjk-5umE
le blanc ca compte pas / Chistian Paccoud
Les Anglais bombardaient les ponts
C’était les noces de mon père
Le bal, les cris, les vendanges, c’était la guerre
La nuit de noces à pieds, fourbu, très tard chez une tante du curé
Mon père qui n’allait jamais
Verser les filles dans les vignes
Qui regarde ma mère et tout ce temps passé
La paille qui s’en va dans le courant de Loire jusqu’aux Ponts-de-Cé
Mon père prépare les plans
-Ma mère prétend qu’il est fou-
D’une maison encore plus près du soleil
Ta mère y sera bien sur son tricot dans un jardin très beau, très doux
-Mais je n’aime pas le tricot !-
Ma mère parle des enfants
Elle dit des mots sur l’amour et sur le temps
Comme un verre fêlé et qui sourit, et vivre ça dure longtemps
Vieux père, tu penses à ton fils
Avec qui tu parles des femmes
-Ta sœur elle ferait bien de prendre un amant
Dieu lui pardonnera la fleur dans l’œil, il ne faut rien dire à maman-
Allez, l’église du bon Dieu
Est trop petite maintenant
Trop de silences dans les cartons de maman
De nuits de veilles on fera en deux fois le prochain déménagement
Ce sera un matin d’automne
Et de la pluie sur les jardins
Je serai quelque part vers Bordeaux dans un train
Avec des inconnus je parle et je ne serai pas chez nous demain
Tu es dans ton auto, tu songes
Ton père est seul au rendez-vous
La lumière du jour est blême tout d’un coup
De ta vie tu as honte. Un coup de téléphone et ce n’est pas beaucoup
Ton père est très loin de sa voix
Il marche seul et on lui parle
Il pense à des photos où son fils était là
-Mon fils il dit qu’il ne croit pas en Dieu mais le visage de maman-
Vieux père, dis donc au bon Dieu
Pour une fois je veux bien
Et si c’est de ta part s’il vient, je ne dis rien
Qu’il me donne discrètement quelques nouvelles fraiches de maman
C’est une nuit d’hiver très tard
Il pleut dehors. L’hôtel est vide
Le veilleur de nuit a un sourire très doux
Il dit "ma mère lui prête son châle" et "Quelle chambre voulez-vous ? »
J. BERTIN
Il fut un de ces militants de l’éducation populaire et de la chanson : c’était au temps de la Reconstruction, où la chanson voulait participer à l’éducation du peuple, de citoyens responsables, pas l’abêtir comme elle sait si bien le faire aujourd’hui.
Jean Dufour est mort dimanche 25 juin à 5h du matin à l'hôpital de St Foy la Grande 33220. Agent artistique de Félix Leclerc, Bernard Haller, Jean-Pierre Chabrol et tant d'autres, c'était un homme admirable et précieux qui avait un respect immense pour les artistes avec qui il travaillait et savait le faire partager.
"Jean Vasca, 1940-2016
21/12/16
Il est mort la nuit dernière, en dormant…
Avant-dernier survivant de la Bande des cinq (fais gaffe, Jacques !), il nous ramenait à l’époque résolue mais révolue des cabarets, de Mouffetard, des MJC, de l’éducation populaire."
Nos enchanteurs
La Fidélité J.Bertin
Nous avons fait de la fidélité beaucoup plus qu'il en faut
Pour ainsi faire tourner la machine du monde infidèle
Pour faire rougir la chaudière et bouger le bâti des mots
Et puis les gens disaient "Le jeu, vraiment, n'en vaut pas
la chandelle!"
Nous avons fait de la fidélité comme un paysan plante
Un chant, qu'avec le bruit de l'autoroute personne n'entend
Ou comme un chaland que les hauts peupliers du canal
enchantent
Et puis l'âge est venu et le canal est fermé maintenant
Nous avons fait tout ce qu'il faut pour préparer l'aube de
l'âme
Nous avons maintenu le feu, le chant, les larmes, les amours
On entendait siffler des moqueries et des rires de femmes
Nous avons dressé des maisons absurdement, contre le jour
Nous avons apprêté le lit, la table, et attendu qu'il
pleuve
Il n'a pas plu, nous sommes vieux, il ne pleuvra plus
maintenant
Le soir est mauve, le rouge et le bleu du jour mourant s'y
meuvent
Nous avons été fidèles et nous avons vécu tellement
ardemment
Lettre à des amis perdus
Vous étiez là je vous tenais
Comme un miroir entre mes mains
La vague et le soleil de juin
Ont englouti votre visage
Chaque jour je vous ai écrit
Je vous ai fait porter mes pages
Par des ramiers par des enfants
Mais aucun d'eux n'est revenu
Je continue à vous écrire
Tous le mois d'août s'est bien passé
Malgré les obus et les roses
Et j'ai traduit diverses choses
En langue bleue que vous savez
Maintenant j'aie peur de l'automne
Et des soirées d'hiver sans vous
Viendrez-vous pas au rendez-vous
Que cet ami perdu vous donne
En son pays du temps des loups
Venez donc car je vous appelle
Avec tous les mots d'autrefois
Sous mon épaule il fait bien froid
Et j'ai des trous noirs dans les ailes.
René Guy Cadou
Couplet 15 de la Marseillaise
Enfants, que l'Honneur, la Patrie
Fassent l'objet de tous nos voeux !
Ayons toujours l'âme nourrie
Des feux qu'ils inspirent tous deux. (bis)
Soyons unis ! Tout est possible ;
Nos vils ennemis tomberont,
Alors les Français cesseront
De chanter ce refrain terrible.